Catégorie : Billets


  • Joyeux Noël !

    Joyeux Noël !

    Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur terre,
    paix aux hommes de bonne volonté.

    Je me suis souvent demandé qui ils pouvaient bien être ces hommes de bonne volonté. Le langage courant n’est pas très amène avec eux : quand on dit d’un enfant qu’il est « plein de bonne volonté », c’est avec une nuance de commisération laissant entendre qu’il ne faut pas lui en demander plus.

    Et si justement « les hommes de bonne volonté » étaient ceux-là mêmes qui, ouverts à l’amour de Dieu, se reconnaissent pauvres en moyens, attendant tout d’une force venue d’en haut ?

    Et si « la bonne volonté » commençait de se manifester lorsque l’on abandonne tout pouvoir pour devenir des serviteurs de la paix ?

    N’est-ce pas là le sens de la crèche de Noël ? Le lieu de l’alliance entre la plus extrême faiblesse — qui a-t-il de plus fragile qu’un nouveau-né surtout dans des conditions matérielles difficiles — et de la plus grande puissance qui soit : l’amour vivant de Dieu.

    Si nous sommes « de bonne volonté », Dieu se servira de notre faiblesse pour faire de nous les plus efficaces des artisans de paix.

    De tout cœur, je vous souhaite un joyeux Noël et une heureuse année 2024.


  • « Celui qui est »

    « Celui qui est »

    La petite fille demandait un jour au vieil homme : « Grand-père, qu’est-ce que l’éternité ? » Et lui, après avoir réfléchi, lui a répondu : « Imagines, mon enfant, que la terre entière soit un globe de bronze. Et que tous les mille ans un oiseau, en passant, l’effleure de son aile … Eh bien quand, par ses passages, la terre serait tout usée, l’éternité ne ferait que commencer ! »

    Cette anecdote pourrait nous convenir à tous, tant nous sommes démunis pour penser l’infini. Les hommes vont comme des somnambules, le temps de leur fugitive existence, en oubliant qu’ils errent au bord des gouffres sans nom de l’espace et du temps, dans le silence opaque de l’empilement des siècles.

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  • « Coup de vieux ! »

    « Coup de vieux ! »

    Usager occasionnel de la ligne de bus 20 – qui me mène de mon bureau au bar derrière lequel je tente de convertir mes contemporains, dans un même élan pastoral, aux bienfaits du whisky et à ceux de la sainte Église catholique -, usager donc des transports en commun, je m’émerveille souvent de ce que des jeunes issus de cette belle-diversité-qui-fait-la richesse-de-notre-société cèdent leur place à des personnes âgées tanguant dangereusement au gré des virages pris sans ménagement par un chauffeur pressé.

    A voir ces regards pleins de compassion qui croisent ceux désespérés de vieillards agrippés à la main courante comme autant de marins saouls au mat d’artimon d’un cap hornier, je me suis pris, voyez-vous, à croire en un avenir fraternel pour l’humanité… Jusqu’à ce mercredi 17 mars 2023, jusqu’à ce jour maudit, car voyez-vous aujourd’hui, c’est moi qu’un de ces jeunes paltoquets a jugé assez pathétique pour lui proposer sa place…

    Je commence par une teinture et un soin du visage ?


  • La grâce chuchotée

    La grâce chuchotée

    Tout le jour nous avions médité sur les problèmes de la famille post-moderne. Le soir nous inclina à des réflexions plus ardues : Qu’est-ce qu’aimer ? Comment aimer ? Je me méfie depuis longtemps de ces prédications, irréelles à force de convoiter l’absolu : « Aimez autrui autant et plus que vous ! Servez-le ! Sacrifiez-vous pour lui ! ». Si l’adolescent est totalement soumis aux parents, si les parents subissent patiemment l’insulte des enfants, si la mère se meurtrit en d’aveugles dévouements, il n’y a pas d’amour dans ces familles, dont on puisse se féliciter. Il y a l’abus et il fait des victimes. Cette gratuité de nos offrandes, ce désintéressement suprême réclamé à nos actes est peut-être la plus haute inspiration du christianisme, mais ils ont prêté à de lourdes équivoques. Le pauvre, le subalterne, l’opprimé et tout faible ont été priés d’accepter les misères imposées par le fort comme des instruments d’amour et de salut.

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  • La certitude et le doute

    La certitude et le doute

    On paie toujours l’accaparement des certitudes. Elles sont faites pour être libres. On ne les détient pas comme un objet. Elles se reçoivent comme une grâce. Celui qui croit en disposer à son gré les durcit au point qu’elles périssent. Vient un jour où, loin de le soutenir, leur poids mort lui fait faire la culbute.

    Il fut un temps où l’Église, dans ses pasteurs et ses fidèles, affichait une foi non seulement totale, mais vaniteusement sûre de soi et massivement dominatrice. Les chrétiens possédaient la vérité au lieu d’être possédés par elle. Ils avaient barre sur elle. L’Esprit-Saint ne pouvait leur échapper, car ils en étaient propriétaires.

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  • Les chrétiens et l’islam

    Les chrétiens et l’islam

    Je suis frappé de l’évidente simplicité de l’islam ne proclamant qu’un dogme : l’unicité et la transcendance radicale de Dieu. De son universalisme également puisque l’islam reconnaît et absorbe les révélations antérieures, la juive certes, mais aussi la chrétienne. Je n’éprouve donc nulle peine à concevoir que tant d’homme succombent à la fascination de cette simplicité théologique, qui allie l’intuition de la radicale séparation d’un Dieu qui ne se laisse ni penser, ni imaginer, ni représenter d’avec l’humanité, tout en maintenant avec force sa proximité, telle du reste qu’Allah fonde et soutient le réel, l’existence n’étant, pour nombre de mystiques musulmans, que le reflet et comme l’ombre portée de l’Essence.

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  • Une beauté nourrie de vertu

    Une beauté nourrie de vertu

    On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments

    André Gide

    Rien n’est plus faux que cet axiome de Gide. La littérature est remplie de chefs-d’œuvre qui exaltent les bons sentiments. Il suffit de rappeler Sophocle et Corneille, Dante et Dickens, Péguy et Soljenitsyne. Ce chantage à l’immoralisme a prodigieusement réussi. Un terrorisme s’est installé qui déniait toute valeur à un art soucieux d’éthique, à une beauté nourrie de vertu.

    Les plus sots se sont piégés comme Gide lui-même en croyant faire de la bonne littérature avec de mauvais sentiments. Ils sont tombés dans le travers qu’ils dénonçaient chez les autres : l’édification à rebours après l’édification niaise.

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  • Le règne des rats

    Le règne des rats

    « Quelles bizarreries ne trouve-t-on pas dans une grande ville, quand on sait se promener et regarder ? La vie fourmille de monstres innocents. » La lecture de ces quelques lignes tirées des Petits Poèmes en prose de Baudelaire me ramène en mémoire le souvenir du fantôme perdu dans un pardessus délavé, pieds nus dans des godillots, cheveux ébouriffés, regard habité, qui par un froid matin d’hiver m’a prophétisé la venue du « règne des rats ».

    La misère nous désarçonne quand elle n’a pas le bon goût de rester à distance, quand, par surprise, elle nous saute à la gorge. Le plus souvent, nous détournons le regard, nous pressons le pas et ravalons notre mauvaise conscience. Ce jour-là, dans une ruelle déserte, j’ai écouté un de ces « monstres » égrener le chapelet de ses échecs. Et, lorsque je lui ai demandé ce que je pouvais faire pour lui, il m’a répondu : « Tu t’es arrêté, ce n’est déjà pas si mal. Je peux me passer d’à peu près tout si un regard croise le mien, de temps en temps. »

    Depuis, lorsque le dégoût, la gêne ou l’indifférence me guette, je mets ma prière dans le cri du poète :

    Baudelaire, Petits poèmes en prose

  • Le paradoxe du Mal

    Le paradoxe du Mal

    L’existence du mal n’a cessé de hanter la chrétienté et on sait le parti que l’athéisme contemporain a su en tirer… Que me disent, en effet, de nombreux jeunes, sinon ce que Camus, après tant d’autres, criait dans la Peste ? Un enfant agonise dans les pires souffrances et le P. Paneloux, pris d’un vertige d’horreur, ne trouve rien à répondre à ceux qui le somment de rendre compte de ce scandale. Comment un Dieu dont on se plaît à célébrer l’infinie bonté peut-Il vouloir ou seulement tolérer cette horreur ? Ceux qui sont familiers de l’œuvre de Dostoïevski savent que c’est également l’argument, unique autant que décisif, d’Ivan, dans sa conversation avec le pur Aliocha. En bref, l’existence du Mal suffit à infirmer jusqu’à l’idée de Dieu. Se rappelle-t-on la réponse d’Aliocha ? Au lieu de discourir, d’argumenter, il se lève, blême d’épouvante, pour baiser la bouche de son aîné. Ce serait aussi la réponse que je voudrais faire au jeunes qui me sont confiés, si je ne craignais de les conforter dans le sentiment qu’il n’existe aucune réponse à cet argument-là et que, devant l’innocent sacrifié, le chrétien ne peut que se taire, accablé. Or, Aliocha garde le silence non par impuissance, mais par secrète terreur, conscient que ce domaine, celui du Bien et du Mal, plonge dans le plus insondable mystère, celui-là même qu’il fut ordonné au premier homme de ne jamais vouloir percer.

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  • L’aveu

    L’aveu

    Il y a toujours eu une pudeur à parler des choses profondes. Sentiments où se mêlent la crainte et l’amour de ce qui, au-delà de nos vies, dans le tréfonds de l’être, nous fait vivre. On a peur de froisser un secret, de ternir une fraîcheur, de porter atteinte à une intégrité. Une certaine qualité d’âme s’évapore lorsqu’on y touche. Une densité du cœur se dilue lorsqu’on l’expose à tout venant. L’homme a besoin d’échapper à autrui et de s’échapper à lui-même pour exister vraiment. Il lui faut en son centre une réserve d’inconnu, d’inexploré, pour ne pas courir le risque d’être vidé de soi. Tel un puits, il a la hantise de tarir.

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